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15.11.2022 | Amandine

En septembre 2021, l'UE a décidé par 667 voix contre 4 d'entamer l'abandon de l'expérimentation animale. La Suisse va-t-elle suivre son exemple ? Comment sommes-nous positionnés face à une telle perspective ? Est-il envisageable pour la Suisse de cesser toute expérimentation sur les anmiaux ? Quels sont les obstacles à surmonter et les mesures à mettre en place pour y parvenir ? Swissveg a participé au forum « Transition to animal-free science » organisé par Animalfree Research pour trouver des réponses à ces questions.

Un demi-million d'animaux par an

Des centaines de milliers d'animaux sont encore exploités en Suisse à des fins expérimentales. En 2021, 575 000 animaux ont été utilisé dans le cadre d'expériences scientifiques, soit trois pour cent de plus qu'en 2020 – et ce, malgré une baisse continue au cours des cinq années précédentes. Mais ces statistiques ne concernent que les animaux effectivement utilisés dans des expériences. Le nombre total d'animaux élevés à des fins expérimentales s'élève à 1,3 million (1 053 788 d'entre eux sont nés dans des élevages d'animaux de laboratoire et les 244 233 restants ont été importés). Plus de la moitié des animaux ne sont donc pas utilisés dans des expériences, car ils ne répondent pas aux critères nécessaires. Par exemple parce qu'ils n’ont pas le sexe requis ou, dans les lignées génétiquement modifiées, le génotype nécessaire. Dans la grande majorité des cas, ces animaux sont euthanasiés.

Une question d'habitude

La souffrance et à la mort de ces multitudes d'animaux n'est pas le seul argument à faire valoir contre l'expérimentation animale. Il faut avouer que si cette méthode continue d'être utilisée, c'est parce qu'elle est ancrée dans nos habitudes. Car au vu d'aspects scientifiques pertinents, tels que la reproductibilité et l'utilité des expériences sur les animaux, on peut se demander si ce type d'expérimentation est réellement nécessaire. Prenons l'exemple de la reproductibilité : en principe, il est essentiel qu'une expérience scientifique puisse être réitérée et aboutir au même résultat. C'est la seule façon de garantir la validité des résultats qui en découlent. Or, comme l'a rapporté l'Université de Berne en 2020, la reproductibilité des expériences sur les animaux est en effet « étonnamment mauvaise ».

Comment changer le statu quo ?

Hier, lors du forum d'Animalfree Research intitulé  « Transition to animal-free science », des personnes issues de différentes disciplines se sont penchées notamment sur les questions ci-dessus. Selon Thomas Hartung de l'Université John Hopkins, sur le plan scientifique, il faut avant tout implémenter ce qui existe déjà. Cela signifie, d'une part, que des méthodes alternatives ont déjà été mises au point. Il s'agit maintenant d'y recourir. Nous devons donc trouver le moyen d'encourager la mise en œuvre de ces méthodes de substitution. D'autre part, cela signifie également que nous devons tirer davantage des données déjà collectées jusqu'à présent dans le cadre de la recherche. Hartung plaide par exemple pour la création de grandes bases de données toxicologiques, qui permettraient de s'appuyer sur des technologies dont les prédictions sont au moins aussi bonnes, si ce n'est meilleures, que les tests sur les animaux. Autre point positif : ces technologies coûtent beaucoup moins cher et sont plus efficaces que les expériences sur les animaux.

Pour ce qui est du plan légal, c'est Franziska Grein, de Peta UK, qui prend la parole. Elle souligne que l'initiative citoyenne européenne « Save Cruelty Free Cosmetics» a réuni 1,4 million de signatures. Maintenant que la population s'est prononcée contre l'expérimentation animale, il faut créer les conditions qui permettront d'y mettre un terme au niveau législatif. La première étape consiste à élaborer une stratégie. Si nous voulons parvenir à abandonner l'expérimentation animale, nous avons besoin d'un plan. Pour ce faire, Grein nous conseille de miser sur six points :

  1. Partout où des méthodes alternatives sont déjà disponibles, l'expérimentation animale devrait être abandonnée immédiatement.
  2. Un plus grand nombre d'avis scientifiques sont nécessaires. Nous devons créer une base de données qui nous permette d'évaluer dans quels cadres l'utilisation d'animaux est réellement pertinente ou non.
  3. Ces évaluations doivent être transparentes.
  4. Pour que les mêmes règles s'appliquent partout, il faut créer une coalition à l'échelle mondiale.
  5. L'argent doit être distribué de manière transparente et redistribué là où c'est nécessaire. Le flux d'argent doit être détourné de l'expérimentation animale au profit de méthodes sans exploitation animale.
  6. Il faut investir dans l'éducation et la formation.

Dans cette optique, Peta a élaboré le Research Modernisation Deal, qui doit servir de guide pour l'abandon de l'expérimentation animale.

La sphère politique suisse ne voit toutefois pas la nécessité d'agir à ce niveau, comme le souligne la conseillère nationale Meret Schneider. Nous devons donc battre la politique à son propre jeu : en démontrant les avantages d'une science sans exploitation animale et en promouvant des alternatives plutôt que de réclamer des interdictions. Saskia Aan, de l'Association néerlandaise pour le remplacement de l'expérimentation animale (dsRAT), donne un exemple de la manière dont cela pourrait fonctionner : dans le cadre du Transition Programme for Innovation without the use of animals (TPI), différents partenaires du monde scientifique, politique et des ONG travaillent en étroite collaboration. L'objectif est d'accélérer la transition vers une science sans exploitation animale en permettant aux différentes parties d'échanger leurs points de vue et en encourageant les innovations sans animaux.

La table ronde organisée à la fin de l'événement a permis de revenir sur les points les plus importants. Le nombre d'animaux utilisés à des fins expérimentales reste élevé et l'utilité des tests sur les animaux est encore surestimée. Il est important de provoquer une remise en question du statu quo et une prise de conscience des inconvénients de l'expérimentation animale. Pour cela, nous devons également mener un débat de fond à l'échelle sociétale. Actuellement, beaucoup de choses sont permises, mais existe-t-il des limites morales à l'acquisition de connaissances ? Au niveau politique aussi, il faut créer un cadre favorable au changement, car il est important qu'à long terme, l'abandon de l'expérimentation animale soit également encouragée sur le plan politique. Une déclaration d'intention, comme celle de l'UE, est nécessaire à cet effet. Enfin, nous avons besoin d'un plan d'abandon progressif. Quels objectifs s'appliquent à quels champs de recherche ? Quelles méthodes alternatives existent déjà ? Dans quels domaines peuvent-elles être appliquées ?

Conclusion

Nous ne partons pas de zéro. La population est de plus en plus consciente que, bien souvent, l'expérimentation animale n'est pas la meilleure solution. Les choses ont également changé au niveau politique, du moins dans l'UE. Cela constitue une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Il est important qu'en Suisse aussi, nous mettions en place le cadre politique nécessaire et élaborions également un plan de sortie. Pour cela, nous devons évaluer quelles sont les méthodes alternatives dont nous disposons déjà et dans quels contextes celles-ci peuvent être implémentées. Il s'agira ensuite de mettre ces connaissances à la disposition des scientifiques.

 

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