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Agriculture bio sans élevage dans le Westerwald

A priori, il paraît raisonnable de pratiquer l'élevage sur une exploitation bio de moyenne montagne comme on en trouve dans le Westerwald...

De nombreuses raisons plaident en faveur de la présence d'animaux d'élevage tels que les bovins, les cochons et la volaille sur une exploitation. L'une d'entre elles est la topographie, surtout lorsqu'elle est constituée de pâturages absolus, c'est-à-dire de surfaces ne pouvant être mises à profit par l'agriculture autrement que sous forme de pâturages et de prairies. Une autre bonne raison est le recyclage des déchets de ferme, notamment des résidus issus de la culture céréalière, en tant que fourrage pour les cochons et les poules.

D'un point de vue pragmatique... 

Pour être honnête, les raisons qui m'ont poussé à réduire puis à cesser toute exploitation animale n'étaient pas de nature existentielles autrement dit nées d'une réflexion morale ou idéologique, par exemple. J'étais principalement mû par l'envie d'améliorer mon propre mode de vie au plan personnel et pratique. En effet, sur la plupart des petites exploitations agricoles familiales mixtes avec élevage, la présence de l'agriculteur est requise presque en permanence, ce qui rend impossible de prendre un week-end de libre sans parler de vacances dignes de ce nom. De plus, l'élevage contraint l'exploitant à investir sans cesse dans de nouvelles installations. Ainsi le moment serait-il venu pour moi de dépenser des sommes énormes dans la production laitière pour renouveler les écuries, moderniser les installations de traite et revoir les quotas laitiers. Fallait-il augmenter mon cheptel de 12 à 40, 80 voire 120 bêtes ?
Certes, la rentabilité économique est proportionnelle à la taille du cheptel, mais cela s'applique aussi à la charge de travail et à la dépendance par rapport à d'autres facteurs tels que le prix du lait. La liberté entrepreneuriale diminue et le quotidien n'est plus dicté que par des impératifs économiques.
Il est communément admis que le fait de renoncer à l'élevage sur une exploitation bio est source de problèmes dans deux domaines :

  1. Une possible diminution de la fertilité du sol
  2. Le manque à gagner dû à la perte des revenus issus de l'exploitation animale

Idées reçues et expérience pratique 

Après plus de dix ans d'expérience dans l'agriculture bio sans élevage, je peux affirmer que, sur mon exploitation, nous avons su trouver des solutions dans les deux domaines. Penser que la fertilité du sol ne peut pas être maintenue sans l'usage de fumier est, à mon sens, une idée reçue. Il va de soi que le maintien et l'amélioration de la fertilité propre du sol doit être pris très au sérieux aussi dans l'agriculture bio. Sur notre exploitation, nous y veillons en appliquant une série de mesures liées les unes aux autres. En font partie : le traitement en douceur mais systématique des sols (éviter de circuler sur le champ lorsque le sol est humide, ne pas labourer en profondeur) et une rotation des cultures sur de nombreuses variétés impliquant une part de céréales ne dépassant pas les 50% et une part de jachères entre 20 et 25%.
La surface restante est dédiée à la pomme de terre. Tant la paille que la biomasse issue de la jachère restent sur les champs pour éviter un bilan négatif en termes d'humus (la teneur de nos sols cultivés en substances organiques est maintenue entre 5 à 8%). Lorsque nous apportons de l'engrais, nous veillons à ce qu'il contienne suffisamment de calcaire. Si une fertilisation par des engrais azotés s'avère nécessaire, elle se fait au moyen de produits végétaux autorisés en agriculture bio qui ont généralement aussi un effet positif sur les processus biologiques des sols.
L'introduction de la jachère d'une durée d'une année s'est révélée particulièrement utile pour nos cultures bio. Pour ce faire, nous utilisons un mélange de plusieurs variétés de trèfles (trèfle d'Alexandrie à plusieurs coupes, trèfle de Perse) et d'ivraie annuelle enrichi de moutarde des champs à hauteur d'environ 10%. Nous semons en avril. La moutarde des champs pousse en premier jusqu'à recouvrir presqu'intégralement la surface. Durant l'été nous procédons à plusieurs paillages avant de tout retourner le plus tard possible en automne. Les cultures qui suivent, comme le blé de printemps ou la pomme de terre ne requièrent aucune mesure de fertilisation supplémentaire et le problème du chardon est nettement endigué. En procédant de la sorte, j'ai jusqu'ici obtenu une assez bonne qualité de blé (teneur en protéine brute jusqu'à 12,5%) et de bonnes récoltes de pommes de terre (jusqu'à 38 t/ha selon le relevé officiel).

De l'étable à l'étal 

Qu'en est-il du manque à gagner résultant de la perte des revenus après la suppression de l'élevage et l'introduction de la jachère ? Sur notre exploitation, la solution s'appelle : culture maraîchère et extension de la vente directe. La production de légumes, même sur des surfaces relativement restreintes, compense bien la perte de revenus. Nous avons converti nos anciennes écuries en magasin à la ferme sans investissement financier lourd et, après peu de temps, nous avons pu constater que le magasin rapportait plus que les vaches qui s'y tenaient auparavant.

Mes conclusions avec le recul 

Nous avons conscience du fait que le cheminement décrit ici est une expérience individuelle ne pouvant être généralisée, d'autant plus que chaque exploitation agricole est unique. De plus, notre manière d'aborder l'agriculture bio végétalienne pourra sembler très peu orthodoxe et guidée par des préoccupations très terre à terre. Paradoxalement, j'avoue que ma réflexion morale et théorique en la matière a évolué une fois l'expérience faite. Autrement dit, ce n'est pas la philosophie bio végétalienne qui m'a amené à transformer mon exploitation. À l'inverse, ma sympathie pour le mouvement bio végétalien est né de ma pratique d'une agriculture sans élevage. J'ai été surpris de voir à quel point ma sensibilité a évolué au fil du temps dans ce domaine. Alors que je considérais le fait d'entraver les animaux, de les enfermer, de récupérer leur fumier et de les abattre comme normal, je suis aujourd'hui d'avis que l'exploitation technologiquement et économiquement organisée des animaux en tant qu'objets de rentabilité commerciale se justifie de moins en moins au plan éthique. Si le progrès de la civilisation existe bel et bien, ne devrait-il pas se caractériser par un accroissement par nature du respect du vivant comme préconisé par exemple par Albert Schweitzer ?

Rainer Philippi

L'article reproduit ici est paru originairement en allemand dans la revue REGENWURM no 13 de BioVegaN, dont des exemplaires gratuits peuvent être commandés à titre d'essai sur www.biovegan.org ou par téléphone au +43/676/9221433

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