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29.01.2024 | Amandine

Ces derniers temps, les alternatives à la viande et aux produits laitiers font l’objet de critiques de plus en plus vives dans le monde entier : on leur reproche d’être ultratransformées (ultra-processed) et donc malsaines. Nombre d’opposant·e·s à l’alimentation végétarienne ou végétalienne se saisissent de cet argument et s’en font l’écho, par exemple dans des conférences sur la santé. Mais d’où vient cette conclusion et sur quoi s’appuie-t-elle ?

Alimentation naturelle

On sait depuis longtemps que les aliments fortement transformés sont généralement moins bons pour la santé que les aliments naturels. Par exemple, un pain industriel à base de farine blanche (contenant du sucre, des émulsifiants, des agents levants, etc.) est moins sain qu’un pain à base de farine complète naturelle, car la farine blanche a été débarrassée de nombreux éléments sains contenus dans le grain complet (fibres alimentaires, vitamines, minéraux). Le recours à des ingrédients hautement transformés dans l’industrie alimentaire ne date pas d’hier. Le plus souvent, ils permettent d’embellir le produit, de le conserver plus longtemps ou d’en améliorer le goût. Ces ingrédients sont connus sous le nom d’exhausteurs de goût, de colorants, de stabilisateurs, d’émulsifiants, d’arômes, etc. Les aliments fortement transformés sont très présents dans le secteur de la restauration rapide, où l’on renonce à des ingrédients de qualité pour des raisons de rentabilité et où l’on cherche à combler ces lacunes par des additifs. Il est évident que les aliments frais et peu transformés (par exemple les fruits et les légumes) sont beaucoup plus sains que les aliments hautement transformés. Des études récentes l’ont d’ailleurs confirmé à plusieurs reprises.¹

Qu'entend-on par ultratransformé ?

Le terme « aliment ultratransformé » (AUT), en anglais ultra-processed food (UTF), ne fait pas l’objet d’une définition précise. On peut toutefois s’appuyer sur le système de classification NOVA, désormais bien établi :

  1. Aliments peu ou non transformés
  2. Ingrédients culinaires (par ex. sel, huile, sucre, ...)
  3. Aliments transformés (par ex. pain frais)
  4. Boissons et aliments ultratransformés (par ex. pizza surgelée, soupe instantanée)

Contrairement à d’autres catégorisations visant à évaluer l’intérêt nutritionnel des aliments, cette classification ne tient aucunement compte des ingrédients présents dans les aliments. Ainsi, dans ce système, une crevette nourrie aux antibiotiques, bourrée de polluants marins et vendue sous forme surgelée, obtiendrait une meilleure note qu’un pur jus de pomme bio (pasteurisé et clarifié). À elle seule, cette classification ne permet donc guère d’évaluer la valeur d’un aliment pour la santé. En outre, même les spécialistes ne savent pas toujours à quel groupe appartient un aliment donné.² Si ce système peut servir de ligne directrice pour comparer des produits similaires (par ex. un burger de légumes préfrits et une assiette de légumes cuits à la vapeur), il ne permet pas de mettre en balance des aliments composés d’ingrédients totalement différents.

Substituts de viande malsains ?

Curieusement, c’est surtout en lien avec les substituts de viande que le terme « aliment ultratransformé » a été popularisé. Sa diffusion a été largement favorisée par les personnes qui cherchaient des arguments contre les alternatives aux produits animaux. Un état de fait pour le moins surprenant si l’on jette un oeil aux ingrédients d’un produit carné classique comme le rôti :

Ingrédients d’un rôti : Viande de porc, eau, lard, couennes, sel de cuisine, sirop de glucose, stabilisants : acétates de sodium, lactate de calcium, citrates de sodium, tartrate de sodium et diphosphates, mélange de condiments, exhausteur de goût: glutamate monosodique, fibres de blé sans gluten, sel nitrité pour saumure (sel de cuisine, conservateur : nitrite de sodium), caséinate de sodium (lait), lactose, antioxydants: acide ascorbique, ascorbate de sodium et citrates de sodium, acidifiant : glucono-delta-lactone, glucose, extraits d’épices.³

Il ne fait aucun doute que ce type de produit entre également dans la catégorie des aliments « ultratransformés ». Comment se fait-il donc que, même dans les médias, ce terme ne soit généralement utilisé qu’en relation avec les produits de substitution (alternatives à la viande ou aux produits laitiers) ? Pour répondre à cette question, il faut remonter à l’origine du problème.⁴ Aux États-Unis, il existe un « Center for Consumer  » (Centre pour la liberté des consommateur·ice·s).⁵ Si son nom et son site Internet font penser à une organisation de protection des consommateur·ice·s, cette entreprise s’apparente plutôt à une agence de marketing et elle s’est fermement engagée en faveur du nouveau système d’évaluation des produits alimentaires. Pour son lancement, le centre a reçu un financement de la part du groupe de tabac Philipp Morris.⁶ Le directeur du centre, Richard Berman, a fait du lobbying pour l’industrie du tabac et est également connu pour ses attaques contre les organisations de protection des animaux. Le centre est en bonne position financière, ce qui lui permet par exemple de faire de la publicité lors du Super Bowl aux États- Unis – publicité considérée comme la plus chère du monde – et de publier des annonces pleine page dans le New York Times et le Wall Street Journal. Ces moyens financiers sont utilisés, entre autres, pour présenter les substituts de viande comme non naturels et malsains.⁷ Même si la forte transformation des aliments peut poser problème en termes de santé, cette focalisation sur les alternatives à la viande et au lait est une astuce de propagande de l’industrie de la viande – et de ses auxiliaires. Une évaluation faisant abstraction de la nature des ingrédients permet tout au mieux de porter un jugement très approximatif sur les aliments. Or, dès lors que les valeurs nutritives et les ingrédients sont pris en compte, les substituts de viande obtiennent souvent de meilleurs résultats que les produits carnés.⁸ En mettant l’accent uniquement sur le degré de transformation, l’industrie de la viande détourne donc habilement l’attention des consommateur·ice·s.

Degré de transformation : un critère supplémentaire judicieux

Le critère du degré de transformation n’est réellement pertinent que si les comparaisons sont faites au sein d’un groupe de produits similaires. Par exemple, une soupe préparée à partir de légumes frais est plus saine qu’une soupe instantanée à base de légumes lyophilisés et d’additifs. En revanche, comparer un burger de légumes à un burger de viande hachée en s’appuyant uniquement sur le degré de transformation ne permet pas de tirer des conclusions valables. Le degré de transformation est un critère supplémentaire judicieux pour évaluer la valeur d’un aliment pour la santé, mais il peut induire en erreur si les ingrédients et les matières premières ne sont pas pris en compte.

 

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Cet article est issu du magazine Veg-Info 2023/4.

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