En règle générale, cette question ne préoccupe pour ainsi dire personne. Sauf lorsqu'un non-végétarien l'adresse à un végétarien afin de mettre en évidence que manger implique toujours de tuer des êtres vivants et que tuer des animaux pour se nourrir est donc dans l'ordre des choses.
Ce principe présuppose que tuer des plantes est aussi grave que tuer des animaux. Si l'on pousse cette réflexion jusqu'au bout, on en vient à conclure que tuer des animaux équivaut à tuer des êtres humains puisque la différence physique est assurément bien moindre entre l'humain et l'animal qu'entre les animaux et les plantes. Assimiler le fait de tuer des animaux à celui de tuer des plantes sans y inclure celui de tuer des êtres humains relève donc purement et simplement de l'arbitraire. En toute logique, le raisonnement ci-dessus reviendrait donc à approuver le cannibalisme.
Arrêtons-nous un instant sur un point trop souvent négligé : toute personne ayant un sens moral essaie d'éviter de causer des souffrances inutiles. Manger étant indispensable à la survie humaine, il est malheureusement impossible de ne pas détruire une forme de vie au bénéfice de sa propre survie.1 La question qui se pose est donc la suivante : quel type d'alimentation génère le moins de souffrances ? L'humain et l'animal, surtout en ce qui concerne le système nerveux, se ressemblent à tel point qu'il faut partir du principe que les animaux (mammifères) sont tout aussi capables de ressentir la douleur. Certaines « sensations » ont bel et bien pu être mises en évidence chez les plantes malgré le fait qu'elles ne disposent pas d'un système nerveux complexe.2 Dès lors, on peut supposer que leur capacité à ressentir de la souffrance est moins développée que chez les animaux et les humains.3 Les plantes ne devraient pas être sacrifiées pour rien. Néanmoins, face au dilemme de devoir tuer un animal ou une plante pour survivre, il apparaît que la mort de l'animal s'accompagne d'une souffrance bien plus importante.
Se nourrir sans tuer
Dans une telle discussion, on oublie souvent qu'il est tout à fait possible de se nourrir sans tuer ni animaux ni plantes. Diffuser des informations à ce sujet, c'est précisément la mission que s'est donné l'association allemande Naturan (Naturan Gesellschaft). Les adeptes de ce mode de vie ne mangent que des aliments qui peuvent être obtenus sans tuer ni blesser des animaux ou des plantes. Il s'agit donc d'un régime centré principalement sur les fruits. Les céréales (au moment de la récolte du grain, la tige des céréales est morte depuis longtemps), les tomates, les champignons (le fruit du champignon proprement dit qui vit sous terre), etc. sont également considérés comme des fruits.
Ne perdons pas de vue qu'avant d'être tués et de servir de nourriture aux humains, les animaux se sont eux-mêmes nourris de plantes.4 Il en découle que même si les humains, les animaux et les plantes étaient susceptibles de ressentir la douleur dans des proportions comparables, la souffrance causée par la consommation d'animaux serait plus importante, puisque de nombreuses plantes auraient déjà eu à «souffrir » le temps de l'élevage des animaux. Pour conclure, voici une citation de Magnus Schwantje, végétarien et défenseur des animaux convaincu :
Il est donc tout à fait injustifié de reprocher à un végétarien de trahir ses principes moraux s'il n'est pas prêt à tout, à savoir mourir de faim, pour éviter de détruire des plantes.
En revanche, la position de ceux qui justifient la consommation de cadavres d'animaux par le fait que les plantes sont elles aussi des êtres sensibles, devient incohérente lorsqu'ils n'admettent pas la consommation de viande humaine comme naturelle et admise.5
- Par souci de simplicité, la présente réflexion ne prend pas en compte la vie de personnes qui sont apparemment parvenues à se passer totalement de nourriture (par exemple Frère Nicolas ou Thérèse Neumann). Sur le thème du respirianisme ou inédie, voir aussi : Jasmuheen / Prana.
- Voir à ce sujet : P. Tompkins / C. Bird : Das geheime Leben der Pflanzen, Fischer Taschenbuch Nr.1977.
- Certains philosophes défendent la théorie selon laquelle plus un être vivant a développé de formes d'expression de la souffrance, plus il est apte à ressentir celle-ci. Cela confirmerait la moindre capacité de ressentir la douleur chez les plantes.
- Tous les animaux que nous élevons pour leur viande sont principalement des herbivores !
- Schwantje, Magnus: Gesammelte Werke Band 1 (Vegetarismus), p. 64, F. Hirthammer Verlag.